top of page

Participer à un groupe de psychoéducation

  • moi
  • 16 mars
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 avr.

Récemment, ma psychiatre m'a proposé d'intégrer un programme de psychoéducation sur la bipolarité. J'étais alors dans une période où j'allais mieux, avec un traitement médicamenteux qui parvenait à me stabiliser. Pourtant je risquais toujours de rechuter, d'autant plus que je ne reconnaissais pas bien certains signes d'alerte. Ou plutôt je les connaissais théoriquement mais j'étais incapable de m'en rendre compte sur le moment.

J'étais circonspecte, voyant mal en quoi un groupe m'apporterait plus que des explications individuelles. J'étais prête à lire tout ce que je trouvais sur la bipolarité mais pas forcément à confronter mon expérience aux autres. J'avais peur de me retrouver avec des gens aux préoccupations trop différentes et de ne pas me sentir à ma place. Je n'avais pas toujours eu une bonne expérience des groupes de parole ou autre où je me sentais parfois en décalage.

J'ai pourtant accepté, d'autant plus facilement qu'il s'agissait alors de me mettre sur une liste d'attente pour être recontactée des mois plus tard. Et finalement ce groupe m'apporte bien plus que ce que j'avais envisagé.

Entre groupe de parole et explications médicales

Ma crainte avec les groupes de parole et assimilé, c'est que ce ne soit pas assez "cadré". Les discussions qui partent dans tous les sens, qui dérivent et qui ouvrent des parenthèses jamais refermées ne sont pas pour moi. Alors quand chacun y va de son anecdote, je peux vite perdre le fil et ne plus savoir ce qu'il en est. D'autant plus que j'ai systématiquement l'impression d'être à contre-temps et d'intervenir alors que tout le monde est passé à autre chose.

D'un autre côté, ce n'est pas non plus un cours avec un soignant qui explique à ses patients ce qu'est la bipolarité. Chaque séance est organisée autour d'un thème (les phases dépressives, les traitements...) et les soignants s'appuient sur les témoignages de chacun pour nous permettre de mieux comprendre notre trouble. Par exemple, lors de la séance sur les phases dépressives, chacun donnait ses symptômes, ce qui permettait de voir les ressemblances ou non.

Je me suis par exemple rendue compte que j'avais déjà eu des idées délirantes lors d'une dépression puisque d'autres l'on mentionné. Ou encore, on a eu une discussion sur l'impact des contraceptions hormonales sur les rechutes, ce que je n'avais pas envisagé. L'effet de groupe autant que la possibilité de poser directement des questions aux soignants permet réellement d'aborder les problèmes sous un autre angle.

La posture des soignants

"Vous connaissez votre trouble mieux que nous". Cette phrase, qui a d'une certaine manière servie d'introduction à la philosophie du groupe, donne tout de suite le ton. Bien sûr que les soignants qui animent ce groupe ont toutes les connaissances requises sur la bipolarité mais ce n'est pas le propos.

Les professionnels de santé n'ont généralement pas de troubles psychiques et les connaissances théoriques ne remplacent pas ce qu'on vit au quotidien. Tellement de soignants remettent en cause le fait qu'on tolère mal un médicament que cela devient presque étonnant de pouvoir en parler librement. Donc c'était une véritable bouffée d'oxygène de pouvoir en parler sans crainte d'être jugé. Et je trouvais aussi affolant ce que d'autres racontaient en terme de manque d'information basique sur leurs traitements.

J'ai ainsi pu expliquer pourquoi j'avais parfois envie de prendre des anti-dépresseurs pour faire un virage maniaque. D'autres se sont longuement demandé si on pouvait boire de l'alcool. Certains expliquaient qu'ils refusaient de prendre des médicaments toutes leur vie. Dans chaque cas, un des soignants essayaient de donner des arguments (y compris contradictoire car parfois ce n'est pas simple).

Des outils concrets

L'autre aspect très intéressant est d'avoir des outils concrets pour apprendre à gérer son trouble soi-même. Il ne s'agit pas seulement de partager son expérience mais d'être à même d'en tirer des enseignements pour réagir si besoin. J'en présenterais sans doute certains mais cela peut être un plan d'action en cas de rechute dépressives, un life chart pour refaire l'historique des épisodes et identifier les facteurs de rechute quand il y en a... Tous ces outils de psychoéducation permettent d'apprendre à gérer son trouble au quotidien.

Comme disait une psy, la psychoéducation est une brique en plus du traitement. Et chaque brique dans la prise en charge permet d'être mieux armé face à un risque de rechute. Maintenant, j'ai la sensation de mieux distinguer les tous premiers signes d'une hypomanie ou d'une dépression. J'ai aussi des idées de quelles activités faire pour freiner une rechute.

Et au-delà de cela, j'ai l'impression d'être plus autonome face à mon trouble et cela joue sur mon moral. Quand ma prise en charge se limitait à des changements de dosage de médicaments, je ne pouvais qu'attendre de contacter ma psy. Là, ce n'est pas miraculeux mais dans certains cas je peux limiter les rechutes, à défaut de tout gérer. Et je comprends ce qu'il se passe, c'est utile aussi (et cela satisfait bien mon intérêt restreint du moment).

Mais et les participants alors ?

Comme je le disais, l'effet de groupe était sans doute ma principale crainte, non sans raison par certains aspects. J'étais la plus jeune, d'assez loin, avec les différences de préoccupations que cela implique. Je me posais des problèmes dans mes relations avec mes parents alors que les autres s'en posaient vis-à-vis de leurs enfants. Mes questions autour de mes études et de ma recherche d'emploi étaient assez différentes par rapport à des quasi retraités.

Mais c'est surtout au niveau du trouble que j'ai senti une différence. J'étais la plus jeune mais j'étais aussi celle qui avait fait le plus d'épisodes, peut-être d'hospitalisation. Ce n'était pas propre à ce groupe mais je vis toujours assez étrangement les témoignages de bipolaires stabilisés rapidement. De même quand il s'agit chacun de lister les médicaments qu'on a pris et que je remplis la moitié du tableau.

Rien de dramatique donc, simplement l'illustration que chaque bipolarité est différente. Le moyen aussi de voir que cela change la manière de se poser certaines questions. Plusieurs voulaient arrêter leurs traitements un jour tandis que c'est inenvisageable pour moi. A l'inverse j'appréhende beaucoup moins mes hypomanies que ceux qui ont fait des manies avec délires et autres.

Et sur le groupe en lui-même, le fait de revoir toujours les mêmes personnes créent une ambiance sympathique. Et contrairement à mes craintes, je me suis sentie libre de partager ce que je vivais. Donc ce n'est pas si négatif !


Pour faire le bilan, j'en suis sortie avec de nouveaux outils, des réponses à certaines questions, des pistes à creuser pour la suite et l'impression de contrôler un peu mieux la situation. Reste à réussir à appliquer cela au quotidien mais c'est un bon début.

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page