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Parler d'autisme, de bipolarité ou des deux ?

  • moi
  • 15 avr.
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 21 avr.

Il n'y a rien d'automatique à parler de ses troubles psy et je me suis rendue compte que même quand j'en parlais je ne choisissais pas toujours de dire la même chose. C'est peut-être là un avantage de cumuler deux troubles (j'exclue le TDAH qui n'a pas le même statut de handicap pour moi). Je peux choisir de parler de ma santé mentale en accentuant sur un aspect plutôt qu'un autre selon ce que je dis. Car la stigmatisation et les préjugés ne sont pas les mêmes concernant l'autisme et la bipolarité et je peux vouloir évoquer mes troubles psy sans m'affronter à certains préjugés précis. Je n'irai donc pas jusqu'à dire que c'est une chance de choisir sa stigmatisation mais de fait, j'ai une petite marge de manœuvre.

On peut distinguer cinq ou six possibilités : ne rien dire du tout, dire que je vois un psy ou que j'ai des troubles psy sans les nommer, parler d'autisme, de bipolarité voire des deux. Ici je vais détailler les trois dernières possibilités mais il est tout à fait légitime de taire ses troubles psy. Dans certains cas, je préfère mentir ou ne pas évoquer le sujet. Il s'agit de ma santé, de ma vie, et il ne faut jamais se sentir obligé d'en parler. Mais puisqu'aujourd'hui je m'interroge spécifiquement sur les moments où je choisis de n'évoquer qu'une partie de mes troubles, je laisse pour plus tard la question des moments où je les tais.


Ce que les autres imaginent du "syndrome d'Asperger"...


En règle générale, les gens ont deux images de l'autisme : les enfants non-verbaux qui se tapent la tête contre un mur et les génies qui peuvent réciter 200 décimales de pi. Et puisqu'a priori on a compris que je pouvais parler comme n'importe qui, je me retrouve dans la case "génie des maths". Il est donc courant que la réponse immédiate soit "ah, tu dois être Asperger". En psychiatrie on ne parle plus de syndrome d'Asperger mais l'imaginaire collectif lui accorde encore une place à part, différente de l'autisme "classique".

En soi, que des gens parlent d'autisme Asperger n'est pas bien grave. Je ne peux pas m'attendre à ce que tout le monde soit au fait des évolutions de la psychiatrie. Mais au-delà du terme c'est ce à quoi il renvoie qui est intéressant. Pour beaucoup, un autiste Asperger n'est pas vraiment autiste, en tout cas, il n'est pas tant que ça handicapé. L'autiste Asperger, c'est le champion des 12 coups de midi qui impressionne ma grand-mère, c'est Einstein voire Elon Musk. En tout cas, ce ne sont pas spécialement des gens à plaindre, parfois ce sont des gens dont on admire même les capacités. Et vu l'intonation de certains, je sens bien qu'Asperger est presque une qualité.

Si je dis "je suis autiste", je sais donc que mon interlocuteur peut le prendre plutôt positivement. En tout cas, qu'il y a des chances qu'il le voit moins comme un trouble handicapant que quand je parle de ma bipolarité. Je peux m'attendre à des questions sur mon niveau en maths ou ma mémoire plutôt que sur la date de ma dernière hospitalisation.


Et tout ceux qui minimisent l'autisme comme handicap


Et parmi ceux qui n'ont pas une vision de l'autisme trop caricaturale, certains ne voient pas le caractère handicapant de mon trouble. Puisqu'il n'y a pas de médicaments, que beaucoup d'autistes sont diagnostiqués tardivement et que la plupart des symptômes sont invisibles, c'est parfois difficile de réaliser l'ampleur du handicap. C'est fréquent alors d'entendre qu'on est "tous un peu autiste" ou que c'est simplement une question d'anxiété.

Dire que je suis autiste, c'est donc plutôt pratique pour ne pas inquiéter quelqu'un ou dans des situations où je parle de mon handicap tout en voulant faire croire qu'il n'est pas si grave. Il m'est arrivé d'en parler au travail ou à l'université, pour avoir des aménagements. L'autisme est alors moins stigmatisant que la bipolarité, on doute moins de mes capacités.


La bipolarité, un trouble qui effraie souvent


Pour le coup, la bipolarité renvoie déjà plus à un imaginaire médicale. Dans la tête de plein de gens, c'est déjà plus l'asile psychiatrique, les délires et les neuroleptiques à haute dose. Donc quand je parle de mon trouble bipolaire, je sais qu'il y a moins de risques qu'on me renvoie à l'idée que ce n'est rien, au contraire. Au-delà des symptômes, l'aspect plus médicalisé, mon pilulier à rallonge... limite de fait les possibilités de dire que j'exagère. Ca existe toujours mais moins. Parler bipolarité est donc un moyen d'affirmer que j'ai un handicap plus facilement et brutalement - si je puis dire - que l'autisme. La contrepartie étant que puisqu'il est vu comme tel, je suis plus facilement aussi vu comme quelqu'un d'instable, tant sur le plan de l'humeur que des capacités. C'est donc parfois pratique pour être sûre que l'autre comprenne que je suis handicapée, moins si je veux ensuite lui dire que je suis en pleine capacité de mes moyens.


Un engagement émotionnel vécu différemment


Quand j'annonce un diagnostic, je me pose la question de s'il va être perçu comme je l'aimerais, et aussi de comment je vais réagir si ce n'est pas le cas. L'invalidation d'un handicap est commune dans les handicaps "invisibles" et elle est toujours violentes. Mais je sais que je ne la vis pas pareil quand il s'agit de l'autisme ou de la bipolarité. C'est sans doute que je n'ai pas le même rapport aux deux troubles, que je vois l'autisme comme plus indissociable de moi-même. Mais je sais que je peux être plus affecté si l'on va contre ce que je je dis concernant l'autisme alors que je me sens plus extérieure quand il s'agit de la bipolarité.

Maintenant que je sais cela, cela me permet de comprendre pourquoi je préfère par défaut parler de la bipolarité. J'ai moins l'impression de m'exposer, de donner la possibilité de critiquer comment je fonctionne. C'est peut-être en cela que je distingue mon vécu d'un trouble neurodéveloppemental d'un trouble de l'humeur.

C'est notamment visible quand je sais qu'on risque de faire des réflexions en lien avec l'autisme sur mon rapport aux autres. Parfois c'est en minimisant (le fameux, "tu ne peux pas être autiste, tu as des amis"), parfois au contraire, c'est pour me dire que je n'arriverais pas à bâtir des relations sociales du fait de mon handicap. Dans tous les cas, je le prends pour une remise en cause de ce que je suis et suis capable de faire intrinsèquement.


Quand on me soupçonne d'en faire trop


Parfois, avoir plusieurs diagnostics est aussi vu négativement, y compris dans le corps médical. Face à des médecins, j'ai déjà eu l'impression qu'on me diagnostic de bipolarité perdait de sa crédibilité si je parlais aussi de l'autisme. Je passe alors de la patiente bipolaire (ce qui est en soi parfois mal perçu, la stigmatisation existe aussi chez les médecins) à la fille qui collectionne les diagnostics pour se rendre intéressante. Cela ne m'a jamais été dit comme ça mais par contre j'ai connu des psys qui appuient sur l'idée qu'il ne pense pas que ce soit cumulable, ce qui va souvent avec le fait de douter du nombre de médicaments que je prends. D'une autre manière, bien moins grave, j'ai eu des médecins plutôt intrigués, qui me disait explicitement qu'il trouvait le cas inhabituel sans dire qu'il n'y croyait pas. Être le "cas clinique intéressant" pour un médecin c'est bien et tant mieux s'il découvre un pan insoupçonné de diagnostics cumulables possibles mais parfois je me dis que je n'ai pas envie de faire de la pédagogie quand il me faut simplement une ordonnance.

Et si dans le cadre médical, je suis globalement obligée de mentionner la bipolarité, notamment à cause des traitements, parfois je ne parle pas de l'autisme. De toute façon, cela a clairement peu d'influence chez le gynéco ou le cardiologue.

Avec mes proches, les remarques selon lesquelles je me cherche des excuses ayant parfois commencé dès lors que je parlais d'aller voir un psy, je commence désormais souvent par l'un et voit dans la discussion (si discussion il y a) le degré d'ouverture de la personne.


En conclusion, comment j'en discute ?


Dans le cas général, je commence généralement seulement par évoquer que je vois un psy, ou que je prends un traitement psy et j'avise. Souvent, quand il s'agit de proches, ils sont plutôt réceptifs à l'idée d'en savoir plus ou simplement inquiet, dans ce cas je détaille en parlant d'autisme ou de bipolarité (rarement donc des deux d'un coup). Et dans pas mal de cas, quand la discussion se poursuit et souvent qu'on en vient plutôt à discuter de ce que je vis réellement et pas seulement de l'étiquette du trouble, je finis par mentionner l'autre. En règle générale dans tous les cas, j'essaie de parler de mes symptômes et pas seulement de mon trouble. C'est encore le meilleur moyen de lutter contre les préjugés.

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